Petite correspondance par mail, que je partage ici pour ceux qui ça intéresserait.
« Je suis tombé par hasard sur l’article « Sexisme chez les geeks » publié sur Genre ! Or il se trouve que je m’intéresse depuis récemment au parti pirate dans le programme duquel j’ai retrouvé la plupart de mes « idées ». Je ne suis pas du tout de la mouvance « geek », donc ça n’est pas la partie internet/hadopi, etc. qui constitue mon intérêt principal dans le programme bien que je sois d’accord sur sa ligne.
« L’affaire du parti pirate » évoquée sur Genre ! m’a quelque peu refroidi à l’égard du PP. Ma question : quel est ton point de vue depuis la diffusion de leur communiqué sur le sujet ? Sincérité ou écran de fumée ?
Emmanuel »
Ma réponse :
« Bonjour,
Et merci pour ton message. 
Alors, concernant le Parti Pirate, je vais te dire ce que j’en sais et ce que j’en pense, en espérant que ça t’aiguillera, mais je t’invite aussi à consulter leur site (http://www.partipirate.org/) et leur forum (http://forum.partipirate.org/), si ce n’est pas déjà fait.
Si j’ai bien compris, tu as lu mon article sur le sujet, donc je ne reviens pas sur « l’affaire » qui nous a posé problème (à moi et d’autres féministes).
Après les nombreuses altercations qu’on a eu avec ce parti, j’en ai conclu plusieurs choses à son sujet. Je pense que c’est un Parti qui est sincèrement plein de bonnes volontés, d’idées nouvelles et de motivation. L’égalité, ils la veulent sincèrement et ils veulent vraiment changer les choses pour aller vers du mieux. Le problème, c’est que, primo, c’est un Parti très jeune qui se cherche pas mal, et deuxio que les personnes qui ont fondé ce Parti en France (je ne m’avance pas sur les Parti Pirate des autres pays) sont prêts à (presque) tout pour qu’il prenne de l’ampleur. C’est à dire, notamment, à accepter un peu n’importe qui en son sain et à laisser dire un peu tout et n’importe quoi -y compris des propos intolérants- au nom de la fameuse liberté d’expression. Du coup, des sexistes, des pro-capitalistes, des libéraux, des classistes, entrent aussi dans ce parti : beaucoup de sont pas méchants, juste des intolérants classiques, dans le sens où ils ont grandit avec les codes de notre société (racistes, homophobes et sexistes) et qu’ils ne les ont pas trop remis en question. Pour eux, boh, ça va, on est un peu près égaux quoi.
Le gros problème, aussi, c’est que plupart des membres du Parti Pirate font partie de l’élite française : grosso modo, ils sont majoritairement des hommes blancs hétéros assez aisés pour avoir un ordinateur et une connexion internet. Du coup, le Parti Pirate qui se veut novateur et à contre-courant va finalement dans le même sens que beaucoup de partis politiques : se sont majoritairement des personnes dotées de privilèges (privilège blanc, privilège hétéro, privilège masculin etc) qui parlent et rares sont ceux qui les ont remis en cause. En fait, le Parti Pirate souffre grosso modo de la même chose que la communauté Geek : ils se croient novateurs et anticonformistes alors qu’ils ont un système et des idées très normatives.
Je les ai beaucoup vu et entendu se plaindre qu’il n’y avait pas assez de femmes, de noirs et d’homosexuels, mais le problème c’est que sans s’en rendre compte ils sont communautaristes : comme peu d’entre eux remette en question leurs privilèges, ils ont une condescendance (acquise socialement) à l’égard de tous ceux qui ne les possède pas, et quand on essaye de le leur souligner, on se heurte à un mur. Si tu as lu mon topic sur le forum au sujet du féminisme, tu peux le constater par toi même : beaucoup m’ont accusée d’être trop extrémistes, beaucoup on voulu, en tant qu’homme définir ce que devait faire le féminisme (et par là décider à la place des femmes des droits qu’elles pouvaient avoir => usage du privilège masculin) etc. Certains se sont remis en question, mais ça s’est fait dans la douleur (la leur et la mienne) et du coup, je suis partie (parce que la condescendance masculine à mon égard (et le pire c’est qu’ils ne voyaient pas DU TOUT le problème) était palpable et insupportable).
Bref voilà, des gens motivés, plein de bonnes intentions (il paraît que l’enfer en est pavée) mais incapables de diriger le bateau, qui, malheureusement, selon moi a deux possibilités : soit il va couler, soit il va marcher parce que très « normal », et donc, n’atteindra pas son but premier : permettre une véritable égalité pour tous et toutes. »
